Séminaire “la visibilité”: Sébastien Lefait : Surveillance au cinéma et paradoxes de la visibilité.

Quand

jeudi 27 janvier 2022    
15h00 - 16h30

PROGRAMME D: Thème D3: “La visibilité”
Champ “cinéma”

Sébastien Lefait : Surveillance au cinéma et paradoxes de la visibilité

Jeudi 27 janvier 2022 : 15.00-16.30, par zoom

https://univ-amu-fr.zoom.us/j/99450013687?pwd=RWNEckowckFTSzJZT25TaGhia0ovdz09

ID de réunion : 994 5001 3687; Code secret : nYG59N

Dans l’éditorial du premier numéro de la revue Surveillance and Society, acte fondateur des Surveillance Studies comme discipline universitaire, le sociologue David Lyon déclare : « Surveillance of all became routine during the twentieth century. Visibility became a social and a political issue in a new way ». Comme je l’ai pour ma part montré dans un ouvrage paru en 2013, la surveillance est également devenue une question esthétique susceptible de bouleverser la représentation du réel à l’écran.  La multiplication à l’infini des foyers optiques implique en effet de repenser la visibilité. D’une part, l’omniprésence des caméras alimente un fonds d’images du réel en croissance exponentielle. Cela crée une archive documentaire globale issue d’un réel profilmique où les individus comme les objets sont constamment en position de visibilité. D’autre part, cette visibilité totale produit des images en trop grand nombre pour qu’elles soient toutes regardées. En effet, si la caméra de surveillance introduit la possibilité d’un regard absolument neutre, elle implique également une visibilité éventuelle ou décalée dans le temps ou dans l’espace. Si tout est visible, les images de surveillance ne font sens qu’au visionnage. De plus, elles sont toujours visibles depuis un lieu tiers, ou visionnées après coup pour les besoins d’une enquête, tout en étant soumises à des regards multiples, c’est-à-dire potentiellement à des interprétations contradictoires.

Je montrerai donc ici que l’utilisation de la surveillance au cinéma invite à repenser la visibilité filmique en mettant en question, à nouveaux frais, ce que l’image peut donner à voir. J’élaborerai l’hypothèse selon laquelle la vision panoptique, qui fonde l’idée d’une visibilité totale du réel, conduit le récit filmique à se nourrir de la visibilité relative des images (i.e. de leur capacité à s’offrir éventuellement à la perception). Je caractériserai cette visibilité relative au fil d’études de cas, qui placeront l’image de surveillance dans des configurations paradoxales : l’image visible n’est jamais vue, l’image rend visible sans rien montrer, l’image cède face à la possibilité d’une image contradictoire, le visible n’est plus crédible, l’invisible l’est d’autant plus. Les exemples seront tirés de l’œuvre d’un cinéaste et scénariste qui fait intervenir la surveillance à des degrés divers dans chacun des films qu’il a réalisés ou écrits, Andrew Niccol.