Appel à communications
Journées d’étude des 18 et 19 juin 2024
Université de Stockholm / Stockholms universitet
Quelles places pour l’échange démocratique
dans les espaces médiatiques numériques ?
En collaboration avec le séminaire de recherche international ISSMDA (International Seminar on Social Media Discourse Analysis) et dans le cadre d’une collaboration CIVIS (https://issmda.hypotheses.org/), le groupe de recherche ROMPOL du Département des études romanes et classiques de l’Université de Stockholm organisera deux journées d’études sur les places de l’échange démocratique dans les espaces médiatiques numériques. Ces journées d’études auront lieu à l’Université de Stockholm les mardi 18 et mercredi 19 juin 2024.
Les langues du colloque seront le français et l’anglais. Les propositions de communications (500 mots + 4 références max.) pourront être rédigées dans ces deux langues et seront envoyées à l’adresse suivante : , au plus tard le 15 janvier 2024. Afin de joindre de nombreux chercheurs dans le domaine des études sur les discours politiques et sur les discours médiatiques, l’appel à communications de ces journées d’étude sera diffusé en francais et anglais.
Principaux axes de recherche :
– Discours de haine et contre-discours
– Stratégies dominants vs dominés
– Complotisme (Fake news/Deep fake, Big Data) : discours et contre-discours
– Discours agonal et ses formes d’expression (débats, presse, musique urbaine, inscriptions sur les murs / graffitis / fresques)
Depuis quelques années, la notion de « discours de haine » a émergé dans le débat public comme un enjeu majeur de notre ère. Face à ce qui est perçu comme une expansion, les gouvernements européens tentent de plus en plus de légiférer sur le sujet. Les sciences humaines se sont logiquement emparé de cette notion qui a cependant fait l’objet de critiques : s’il est relativement aisé de cerner et décrire un discours de haine fulgurant parce qu’il prend les formes d’une violence verbale discriminatoire, il est beaucoup plus complexe de délimiter le discours de haine lorsqu’il prend des formes feutrées, mondaines, ou qu’il est présenté sous la forme d’une argumentation idéologique – ce qui a amené des chercheurs à proposer la notion de « discours de haine dissimulé ». De plus, la notion n’est pas neutre politiquement : son usage dans la recherche porte en soi l’esquisse d’un programme politique. Elle permet pourtant à la recherche d’analyser sous un jour nouveau les corpus de discours issus d’idéologies discriminantes voire violentes : xénophobie, antisémitisme, sexisme, LGBTQ-phobie, par exemple. Cet axe accueillera des propositions de communication qui visent à étudier la composition, les modes de circulation, l’impact que les discours peuvent avoir. Mais peut-on complexifier cette notion ? Le discours de haine pourrait aussi être observé en réaction à des processus de domination et à des violences symboliques ou matérielles. Lorsque certaines conditions idéologiques et historiques sont réunies, le discours de haine peut-il servir une reprise de pouvoir de la part de groupes sociaux dominés ? Enfin, parce que des luttes sociales sont régulièrement rejetées du côté de la violence par une certaine doxa médiatique et politique, il est également possible d’interroger l’usage qui est fait de la notion de discours de haine lorsqu’elle est brandie par un groupe social et politique dominant – en particulier l’usage performatif qui en est fait pour passer sous silence des luttes sociales légitimes. Cet axe proposera alors également de renverser l’usage traditionnel qui est fait de la notion de « discours de haine » en interrogeant la possibilité d’une légitimité politique du discours de haine comme résistance et empowerment.
Un autre axe de recherche possible serait d’étudier des discours censés (re)produire des relations de dominance dans les réseaux sociaux, à savoir les interactions entre les groupes dominants-dominés, tels que les couples experts/profanes ; leaders politiques/électeurs/ONG ; partis politiques au pouvoir/partis politiques dans l’opposition ; médias publics/médias indépendants ; populations majoritaires/minorités nationales ; pays industrialisés/pays en voie de développement, etc. Ainsi s’ouvre la possibilité d’étudier cet axe d’une perspective macro, à savoir d’analyser les enjeux des discours dominants-dominés (où discours est pris dans le sens manières de pensées et valeurs propres à différents domaines socio-économiques et culturelles – normes – de la société), aussi bien que d’une perspective micro, à savoir une étude du discours dominant-dominé (où discours est pris dans le sens agencements de phrases dotés de fonctions spécifiques), tels que les expressions linguistiques d’autorité, d’oppression, de dominance, d’omnipotence, pour faire taire, etc. dans des événements de communications spécifiques (genres textuels). Les thèmes à aborder seront par exemple les possibles tensions sociales et discursives relatives à l’identité genre-sexe, aux groupes ethniques, aux classes sociales, aux institutions politiques, etc. transmises dans différents réseaux sociaux.
Les réseaux socionumériques encouragent la production de discours polémiques dont la viralité est encouragée par les algorithmes des plateformes technologiques. Cette propension à faire circuler des discours dont la véracité n’est pas questionnée favorise la diffusion de discours conspirationnistes ou complotistes (exploitant la technologie du deep fake). Ce troisième axe souhaite interroger les stratégies discursives mises en œuvre par les différents acteurs médiatiques et politiques qui exploitent les dispositifs techniques de transmission de contenus informationnels. Il invite à s’intéresser à l’étude de vastes corpus (Big Data) et à analyser comment des informations non vérifiées (absence de fact-checking) et souvent mensongères (fake news, vérités alternatives) vont connaître une très grande popularité et vont permettre aux responsables politiques de construire des discours et contre-discours fondés sur l’exploitation pragmatique de ces publications numériques circulantes. L’aspect multimodal de ces réseaux retiendra notre attention ainsi que la dynamique interactionniste des discours et contre-discours (cible, adresses indirectes…).
Le renouvellement des études en analyse du discours numérique a pris à bras le corps le champ de la toile dans ses dimensions polysémiotiques ; on s’est ainsi intéressé aux matérialités innovantes (l’écrit d’écran, les échanges écrits asynchrones, les technomarques…), aux nouvelles formes et /ou genres discursifs produits par la toile (le blogue, le tweet, le commentaire) et à l’imbrication entre le dispositif médiologique et l’émergence et/ou la reconfiguration de (nouvelles) formes de discours ou de stratégies discursives. En ce qui concerne les observables reconfigurés, l’expression des émotions sur la toile, dont participe la violence verbale et paraverbale offre un champ inédit par sa diversité polysémiotique, ses mécanismes de circulation, de propagation et de réflexivité discursive. L’ensemble des matérialités discursives se croise, entre graffitis de rue et tweets haineux.
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Keynote speakers
Grégoire Lacaze (Aix-Marseille Université / Maison Française d’Oxford)
Malin Roitman (Stockholms universitet)
Laurence Rosier (Université libre de Bruxelles)
Samuel Vernet (Aix-Marseille Université)
Comité d’organisation
Grégoire Lacaze (Aix-Marseille Université / Maison Française d’Oxford)
Christophe Premat (Stockholms universitet)
Malin Roitman (Stockholms universitet)
Françoise Sullet-Nylander (Stockholms universitet)
Samuel Vernet (Aix-Marseille Université)
Comité scientifique
María Bernal (Stockholms universitet)
Adriana Bolivar (Universidad Central de Venezuela y Universidad Autónoma de Querétaro, México)
Domitille Caillat (Université Paul Valéry, Montpellier 3)
Emilie Devriendt (Université de Toulon)
Claire Hugonnier (Université Grenoble Alpes)
Agata Jackiewicz (Université Paul Valéry, Montpellier 3)
Grégoire Lacaze (Aix-Marseille Université / Maison Française d’Oxford)
Julien Longhi (CY Cergy Paris Université)
Dominique Maingueneau (Sorbonne Université)
Sophie Marnette (University of Oxford)
Monique De Mattia-Viviès (Aix-Marseille Université)
Christophe Premat (Stockholms universitet)
Malin Roitman (Stockholms universitet)
Laurence Rosier (Université Libre de Bruxelles)
Wilfrid Rotgé (Sorbonne Université
Marion Sandré (Université de Toulon)
Charlotta Seiler Brylla (Stockholms universitet)
Françoise Sullet-Nylander (Stockholms universitet)
Lieven Vandelanotte (Université de Namur)
Samuel Vernet (Aix-Marseille Université)
Références
Amossy, Ruth. 2014. Apologie de la polémique. Paris, PUF.
Bacot, Paul et al. (dir.). 2010. Trente ans d’étude des langages du politique (1980-2010). Mots. Les langages du politique 94. DOI : https://doi.org/10.4000/mots.19839.
Baider, Fabienne et Maria Constantinou (dir.). 2019. Semen 47, « Discours de haine dissimulée, discours alternatifs et contre-discours », en ligne : https://journals.openedition.org/semen/12230.
Bonnet, Valérie, Arnaud Mercier et Gilles Siouffi (dir.). 2022. Mots. Les langages du politique 130. DOI : https://doi.org/10.4000/mots.30297.
Charaudeau, Patrick. 2023. « Le discours populiste, un syndrome de la postmodernité? » Nordic Journal of Francophone Studies / Revue nordique des études francophones 6(1), pp. 27-33. DOI : https://doi.org/10.16993/rnef.103.
Charaudeau, Patrick. 2014. Le Discours politique : les masques du pouvoir. Limoges : Lambert-Lucas.
Charaudeau, Patrick et Dominique Maingueneau. 2002. Dictionnaire de l’analyse du discours. Paris : Seuil.
Châtenet, Ludovic (dir.). 2022. Images, mensonges et algorithmes. La sémiotique au défi du Deep Fake. Interfaces numériques 11(2). DOI : https://doi.org/10.25965/interfaces-numeriques.4824.
Chilton, Paul. 2003. Analysing Political Discourse: Theory and Practice. 1st ed. London & New York: Routledge.