Jean Viviès Revenir/devenir : Gulliver ou l’autre voyage, Paris : Éditions Rue d’Ulm, 2016, 146p. ISBN-13 : 978-2-7288-0555-6
Classique inclassable, le récit célèbre de Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver (1726), parcourt les genres littéraires (récit de voyage, satire, conte philosophique) sans s’en laisser assigner aucun de manière homogène et stable. Depuis longtemps abondamment commenté, étudié et interprété, le texte a donné lieu à une immense bibliothèque critique. Jean Viviès se propose ici de verser au volumineux dossier des interprétations de Gulliver une lecture, certes documentée à la lumière de la recherche anglo-américaine et française, passée et contemporaine, mais aussi une lecture délibérément orientée.
Il prend pour angle de réflexion la question bien moins souvent abordée des retours du voyageur, de son retour comme problème. Le texte-matrice des récits de voyage de la littérature occidentale, l’Odyssée d’Homère, est au fond l’histoire d’un retour : un retour à l’île d’où l’on est parti, un retour à l’origine, un retour à soi. Ce retour ouvre la réflexion sur l’identité et permet le geste narratif. Chez Swift, les retours des différents voyages, au nombre de quatre et qui scandent ainsi le texte en autant de parties, sont ces lieux du récit, en Angleterre d’où Gulliver, marin et médecin, est parti, et où se mesure à chaque fois l’écart entre Gulliver et lui-même.
Ce voyage de retour est au fond bien plus hasardeux que les tempêtes de n’importe quel récit de voyage. L’essai se propose ainsi d’éclairer cet autre voyage, un texte qui garde toujours sa part de singularité, comme l’énigmatique géant que les Lilliputiens découvrirent un jour échoué sur leur rivage.
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