Séminaire Grammaire : de la recherche à l’enseignement

Thème D4, « style(s) et représentations (s) : l’inévitable sujet »
Séminaire Grammaire : de la recherche à l’enseignement.
Les sujets parlent de leur objet.

2019-21

Responsable : Monique De Mattia-Viviès

Comité scientifique

Enseignants-chercheurs (professeurs et maîtres de conférences)

  • Pierre Cotte
  • Laure Gardelle
  • Christelle Lacassain-Lagoin
  • Jean-Rémi Lapaire
  • Paul Larreya
  • Elise Mignot
  • Blandine Pennec
  • Wilfrid Rotgé
  • Monique De Mattia-Viviès
  • Aurélie Ceccaldi
  • Grégoire Lacaze

Docteurs en linguistique anglaise d’AMU (2018-9), collaborateurs du LERMA (thème D4)

  • Florence Floquet
  • Alexandra Pedinielli-Féron

Doctorants (thème D4)

  • Diego Iturriaga
  • Nicolas Locks
  • Laura Vaccariello

Texte de cadrage

l’ambition générale qui sous-tend ce séminaire est à terme d’initier un champ, à la croisée de la recherche et de la pédagogie, qui permettrait aux études linguistiques de s’ouvrir à un plus large public et d’être plus directement en prise avec les lecteurs par rapport auxquels elles prennent sens, du chercheur en linguistique anglaise au professeur du second degré, en passant par l’étudiant.

A cet effet, la langue de la transmission, qui ne peut être celle de l’abstraction, se doit d’être interrogée. Parler du langage, qui est une réalité complexe, suppose que le chercheur produise un discours pour le décrire et ce discours comporte nécessairement une part de conceptualisation. Pour parler de son objet d’étude, le chercheur-linguiste crée un métalangage[1]pour le décrire, et cela quelle que soit la perspective dans laquelle il s’inscrit, à très grands traits descriptive ou théorisante[2] . On peut ainsi se demander si ce métalangage est transposable hors des limites strictes de la recherche fondamentale. Si tel est cas, quels concepts faut-il absolument conserver ? Que doit-on reformuler, de crainte que la technicité du discours ne vienne perturber tout effort de transmission ? Et d’ailleurs, faut-il chercher à transmettre, au risque de dénaturer la complexité même de l’objet décrit et des phénomènes patiemment mis au jour ?

Il ressort d’années de pratique et d’allers/retours incessants entre la recherche et la transmission de la recherche à travers l’enseignement, que la multiplication des angles d’approches est la condition même de la connaissance, et que la transmission de la recherche à un public non exclusivement composé de chercheurs est de nature à faire progresser la recherche fondamentale elle-même, dans un va-et-vient constant recherche / transmission / recherche. Le changement de point de vue permet non seulement au chercheur de mieux maîtriser son domaine mais permet à son destinataire d’y avoir accès. Plus on multiplie les angles d’approche d’un sujet, plus il devient aisé de se l’approprier et d’en comprendre les enjeux profonds. La transmission construit une relation interactive de soi vers l’autre, de l’autre vers soi, le passage par l’autre permettant d’affiner la recherche elle-même, s’étant enrichie au passage de regards extérieurs.

De plus, la transmission, par le positionnement explicatif qu’elle induit, amène à penser contre son propre système, à l’interroger, à en faire apparaître les points aveugles ; elle oblige à se situer dans une logique interactive, de plain-pied avec son auditoire, et à se placer du point de vue non de celui qui sait, mais de celui qui doit se faire comprendre, ce qui entraîne un ajustement inévitable de son propos et un regard réflexif sur son propre objet d’étude. Transmettre suppose ainsi un langage différent, adapté à son destinataire, comme une traduction peut l’être, tout en restant fidèle au sens initial. La transmission est une forme de reformulation ou de réélaboration, cette dernière étant tout autant au cœur du travail du linguiste, qui souvent réélabore les travaux qui le précèdent pour tenter de faire œuvre originale[3], qu’elle est au cœur de la transmission de la recherche elle-même.

La transmission serait au fond une forme de traduction-réélaboration, qui supposerait de se transporter hors du confort de sa propre langue ou métalangue, pour se placer du point de vue de celui qui ne la parle pas. 

En d’autres termes, la langue de la transmission n’est pas la langue de la recherche mais passer par la langue de la transmission éclaire l’objet de recherche lui-même et permet d’en simplifier la langue pour ne retenir que les concepts essentiels. Le métalangage est certes nécessaire mais il apparaît que c’est la transmission qui le fait évoluer, vers plus de simplicité, sans perte de complexité, et qui permet d’en éviter la prolifération. La multiplication des concepts est quasiment inévitable lorsque la recherche est auto-adressée, uniquement destinée à un public de chercheurs-linguistes, et donne lieu, in fine, à des écoles de pensée qui, en se distinguant notamment par la métalangue utilisée, finissent par s’opposer, éloignant un peu plus la recherche de son public naturel[4]. Au fond la transmission de la recherche est ce qui permet de corriger les excès de la formalisation qui, lorsqu’elle est trop présente, peut soit révéler un objet de recherche dont le degré d’abstraction est difficilement accessible en termes simples, ce qui est toujours possible, soit, plus vraisemblablement, un objet non encore suffisamment maîtrisé, appelant toujours plus de conceptualisation pour le décrire. Le métalangage fait alors écran, et le détour par l’extérieur, imposant une traduction-réélaboration, offre une voie d’accès bien plus directe à l’objet de recherche que la théorie elle-même.

C’est ce que ce séminaire ambitionne de mettre en évidence, en donnant la parole à des auteurs de grammaire, afin de mettre en lumière par quel angle subjectif ces obstacles épistémologiques ont été négociés et au moyen de quels outils, et comment en tant qu’auteurs mais également en tant qu’enseignants-chercheurs, l’objet d’étude, à savoir la grammaire anglaise, a été appréhendé et en quels termes, à travers une sélection de thèmes dont la transmission ne va pas de soi et pose des problèmes spécifiques.

Ce séminaire est co-animé par les doctorants du thème D4, les étudiants du Master ECMA, notamment les étudiants de Master 2, ainsi que certains étudiants de Licence 3 qui s’intéressent à la didactique de la grammaire anglaise, l’objectif étant notamment de les associer à une recherche-action, dont ils sont partie prenante en tant qu’auditoire.

Programme 2019-20

Lundi 21 octobre 2019, 16h30-18h30,  Blandine Pennec (MCF HDR à l’université Jean Jaurès, Toulouse Le Mirail), co-auteur de Entraînement à l’épreuve de linguistique anglaise au CAPES externe d’anglais (PUM, 2015). Titre de l’intervention : “Les reformulations : des procédés au service de l’intersubjectivité et de la cohésion discursive”. Salle 2.44

Lundi 25 novembre 2019, 16h30-18h30, Laure Gardelle (Professeur à l’université Grenoble Alpes), co-auteur de  Analyse linguistique de l’anglais (PUR, 2014). Titre de l’intervention :   “Le genre grammatical en anglais : trois petits pronoms, mais surtout trois grandes questions”. Salle 2.44

Lundi 9 mars 2020, 16h30-18h30Christelle Lacassain-Lagoin (MCF HDR à l’université Paris Sorbonne), co-auteur de  Analyse linguistique de l’anglais (PUR, 2014). Titre de l’intervention : la complémentation verbale en général et des verbes de perception en particulier. Salle 2.44 (à confirmer).

Programme 2020-2021

Lundi 16 novembre 2020, 16h30-18h30, Élise Mignot (Professeur à l’université de Paris – Sorbonne). Titre de l’intervention : “Recherches sur le sens de la classe nominale: nouvelles données issues de la morphologie”.
En dépit d’une recherche antérieure abondante sur le sens de la classe nominale, il reste des zones d’ombres, qu’on peut tenter d’éclaircir en changeant de point de vue et en examinant de nouvelles données, tirées de l’étude de la morphologie. Ceci permet d’évoquer les problèmes méthodologiques qui se posent quand on s’appuie sur des données nouvelles, qu’il faut collecter et interpréter. Il s’agira de présenter de façon didactisée ce point de recherche et le travail du chercheur. Plus précisément, le cas présenté sera celui des noms composés dont la première base est un adjectif. Il y a une forte tendance des adjectifs graduables à devenir non-graduables lorsqu’ils sont intégrés à un nom. Ceci étant un cas particulier d’un phénomène plus général (résistance à la gradabilité des bases servant à former des noms), on peut en conclure que les noms “attirent” certains types de significations plutôt que d’autres, ce qui permet enfin de tirer des conclusions sur ce qu’est et sur que fait le nom.

Lundi 8 février 2021, 16h30-18h30, Grégoire Lacaze (Maître de conférences HDR à AMU). Titre de l’intervention : « Réflexions didactiques autour de la variation diamésique ».
Cette conférence se propose d’aborder un sujet de recherche peu étudié en tant que tel mais qui est au centre des préoccupations stylistiques des auteurs de fiction.
Une approche didactique sera privilégiée pour présenter le concept de « variation diamésique » dans sa diversité et les questions qu’il suscite dans le processus d’adaptation d’une conversation orale à une transcription écrite d’un acte de parole.
Il s’agira alors de mesurer l’écart entre les divers paramètres (voco-acoustiques et mimo- posturo-gestuels, notamment) qui accompagnent la réalisation d’une production verbale oralisée et ceux effectivement retenus par l’écrivain ou le narrateur afin de susciter chez le lecteur une représentation adéquate de l’acte de parole reconstruit à travers l’acte d’écriture.
Nous envisagerons ainsi non seulement la genèse du concept de « variation diamésique » mais aussi ses réalisations linguistiques et stylistiques dans des énoncés authentiques issus d’œuvres de fiction en langue anglaise. Cette étude portera notamment sur le sémantisme des verbes introducteurs de discours rapporté, sur la composition des syntagmes prépositionnels et adverbiaux présents dans les segments assurant l’introduction du discours direct ainsi que sur le choix de la ponctuation adoptée par l’auteur.
La conférence s’intéressera donc principalement à la représentation de l’oralité dans la fiction à partir de l’analyse d’énoncés de discours direct.

[1]  On se souvient de la définition que propose Roman Jakobson du métalangage : « Une distinction a été faite dans la logique moderne entre deux niveaux de langage, le « langage-objet », parlant des objets, et le « métalangage » parlant du langage lui-même. Mais le métalangage n’est pas seulement un outil scientifique nécessaire à l’usage des logiciens et des linguistes ; il joue aussi un rôle important dans le langage de tous les jours. Comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous pratiquons le métalangage sans nous rendre compte du caractère métalinguistique de nos opérations. » (1963 217-218)

[2] Dans le même ordre d’idées, Pierre Cotte, dans son introduction à l’ouvrage Les théories de la grammaire en France,consacrée à l’épistémologie de la recherche en linguistique anglaise, avance que le linguiste parlant de son objet produit un discours qui « n’échappe pas aux règles du langage ; il parle d’un objet extérieur mais, pour ce faire, il crée à son propos un discours ». Ce même discours se donne pour objectif d’être saisi par un destinataire, « qui n’ayant accès au référent que par sa médiation, est sensible […] à la qualité […] de l’explicitation qu’il opère, de l’explication donc. » (1993 7)

[3] C’est d’ailleurs en termes de reformulation que Pierre Cotte conçoit la linguistique elle-même, « La linguistique est moins une science de la formalisation […] que de la reformulation. » (1993 30).

[4] Cette prolifération du métalangage a été analysée par Jean-Jacques Lecercle en ces termes : « Le linguiste essaie donc de tracer une frontière, à l’intérieur de la langue naturelle, entre langage-objet et langage-instrument (autrement dit un ensemble de concepts). L’échec nécessaire de cette tentative éclate dans la jargonophasie chronique dont souffrent les linguistes : une part non négligeable de la vie professionnelle du linguiste est passée à traduire la terminologie de X dans les termes qu’affectionne Y. Mais il y a une compensation : la créativité de ce jargon fait de lui une manière de poète. […] ». (1993 27-28)