Séminaire “la visibilité”: Suzanne Fraysse : Les couvertures de Lolita : “malentendus de la visibilité”

Quand

jeudi 18 novembre 2021    
15h00 - 16h30

PROGRAMME D: D3: “La visibilité”
Champ “littérature”

Suzanne Fraysse 

Les couvertures de Lolita: “malentendus de la visibilité”
Jeudi 18 novembre, 15.00-16.30
Maison de la Recherche Salle 2.44

Lolita, c’est la visibilité maximum, et la lisibilité minimum : car les images estampillées « Lolita » sont partout dans notre culture, faisant oublier le roman. Lolita s’est affranchie de Lolita.

Une grande part de la responsabilité en incombe aux maisons d’édition qui, les premières, ont véhiculé l’image d’une nymphette aguicheuse sur les couvertures du livre. En tant que péritexte éditorial, elles ont largement orienté la réception du roman, au point que le texte semble être devenu otage de la mise en scène destinée à le rendre visible.

Cet otage risque aujourd’hui sa survie, à l’heure où le débat se crispe à propos de la pédophilie. Bien des voix s’élèvent à présent pour protester contre la circulation d’un livre…qui bien souvent n’a même pas été lu.

On étudiera la façon dont les couvertures ont entrepris de protéger le roman, tantôt en faisant basculer la représentation de Lolita de jeune fille séduisante en victime impuissante, tantôt en attirant l’attention du lecteur non pas vers Lolita, mais vers son créateur. On verra qu’elles ne font jamais que répondre en partie seulement au dispositif narratif très complexe mis en place par Nabokov et qu’elles entretiennent donc des malentendus dont le roman a longtemps bénéficié, mais qui le mettent aujourd’hui en danger.

Supposition : et si la violence interprétative de notre époque était liée au régime optique excessif de la publicité auquel obéissent par nécessité les couvertures ?

Pour être consommé, le livre doit être rendu visible. C’est peut-être là sa plus grande malédiction.